RAPPORTS KOSOVO / ALBANIE
From | balk...@bok.net (Le Courrier des Balkans) |
Subject | Kosovo / Albanie : Les frères sont devenus de lointains cousins (AIM), 17-09-99* |
Date | Mon, 27 Sep 1999 23:54:04 GMT |
AIM (Alternativna informativna mreza) 17 septembre 1999 (traduit par Cécile Fisler) LES FRERES SONT DEVENUS DE LOINTAINS COUSINS. PRISTINA TIRANA. Les Albanais originaires d’Albanie ont appris à l’école qu’en 1912, le Kosovo était une terre albanaise qui avait été injustement envahie par les Serbes et séparée du reste au pays. On a enseigné aux Albanais du Kosovo que le Kosovo aurait dû faire partie de l’Albanie et ils pensaient à ce pays comme à un paradis où être Albanais ne posait aucun problème. Par Altin Raxhimi à Tirana. Mais après avoir vécu dans un Etat séparé pendant plus de 80 ans, et presque 50 ans de relations purement symboliques, les contacts entre les deux communautés alors que l’Albanie s’ouvrait au monde et devenait plus accessible et que le Kosovo était sous protectorat des Nations Unies ont rendu cocasse, et pas seulement en termes géostratégiques, l’idée d’une “grande Albanie”, qui comprendrait les deux communautés”. Aujourd’hui, les Albanais d’Albanie sont considérés par les Albanais d’ici comme des salauds et des escrocs,mais aussi comme de riches Kosovars, et ceux d’ici considèrent les Albanais de là-bas comme des bandits sauvages et sans le sou. On aurait pu le prédire. En 1913, lorsque le Kosovo a finalement été attribué à la Serbie en tant que territoire ottoman et “foyer de la civilisation”, le poète nationaliste albanais et moine franciscain, Gjergj Fishta, a déclaré: “C’est la pire chose qui pouvait arriver. J’ai bien peur qu’ils ne soient plus jamais réunis”. La prédiction du prêtre semble être encore plus juste aujourd’hui, alors que les deux sociétés albanaises ont vécu des expériences différentes qui font que leurs relations sont faites de mépris et de méfiance. Le développement des deux groupes en sociétés séparées a fait naître des acquis communautaires différents. C’est pourquoi une langue commune et un lointain héritage ne peuvent servir de lien entre eux. L’Albanie a transformé, par le biais d’une expérience amère, beaucoup d’Albanais du Kosovo en Kosovars albanais. Lorsque le pays s’est ouvert en 1990, beaucoup de gens ont cru que le pays deviendrait rapidement un paradis pour eux. Mais la difficile expérience vécue actuellement par l’Albanie, avatar d’années communistes encore plus difficiles, a fait perdre leurs illusions aux Kosovars. Les média de Tirana et de Pristina rapportent de temps à autre comment les Kosovars sont devenus la proie du banditisme dans le nord de l’Albanie. Cette semaine, des bandits Albanais du nord qui étaient armés ont arrêté un convoi de voitures kosovares sur la route qui mène de Durres à Kukes, puis au Kosovo. D’après le quotidien “Koha Jone”, des bandits auraient dérobé 35.000 deutschemarks à un des Kosovars. De tels incidents, mêlant la haine, l’envie et le banditisme ordinaire, ont été remarqués dès le début des années 90. Ibrahim Kadriu, écrivain et journaliste, se souvient qu’un automobiliste de Tirana a embouti sa voiture pendant une de ses visites dans cette ville en 1993. “Je suis sorti de ma voiture et je lui ai dit: “Tout ce que je veux, c’est votre nom et votre numéro de plaque minéralogique pour pouvoir porter plainte auprès de ma compagnie d’assurances”. Il a décrit le conducteur de Tirana comme étant un homme d’environ 30 ans, aux cheveux longs et mal rasé: un gangster albanais typique. “L’homme m’a alors répondu: “Vous les Kosovars, vous êtes tous des salauds. Non seulement vous êtes riches, mais vous voulez avoir encore plus d’argent. Puis il a menacé de me tuer. Le policier qui était là s’est contenté d’observer la scène”. Cela n’a pas été un parcours facile pour Kadriu. Il a noté le numéro de la plaque minéralogique de l’homme et s’est rendu à la police pour obtenir son nom et demander aux policiers de confirmer l’accident. “Au commissariat, un flic qui fumait tranquillement m’a dit: “Il faut que vous attendiez. Les policiers qui peuvent se charger de ça sont en train de travailler et cela pourra prendre plusieurs heures”. “Il s’agissait d’une chose facile à faire”, a déclaré Kadriu “et il attendait simplement que je lui graisse la patte”. Il y a plusieurs autres choses qui rendent difficile le rapprochement entre les Albanais vivant des deux côtés de la frontière et pour qu’ils se considèrent comme faisant partie de la même société. L’environnement clanique et tribal dont ils ont hérité leur fait penser que la menace pesant sur leur village est plus importante que celle qui pèse sur la terre albanaise. Même d’un point de vue historique, ce qui était considéré comme un mouvement historique albanais, à savoir la ligue de Prizren de 1878, se résume à une collectivité de Nordistes essayant de défendre quelques régions montagneuses éloignées qui tentaient de défendre leur territoire. La création de l’Etat albanais en 1912 et la reconnaissance de ses frontières l’année suivante sont davantage dues à la chute de l’empire ottoman qu’au désir de sa propre majorité musulmane de créer un état nation. De nombreux historiens considèrent que c’est suite à l’insistance de l’empire austro-hongrois que l’Albanie est devenue une unité politique. Cela a été démontré par le fait que lorsque les Albanais du Kosovo sans ressources restés en Serbie, se sont tournés vers l’Albanie qui représentait pour eux une utopie, les Albanais d’Albanie, pauvres eux-mêmes et luttant pour construire une société politique, ne se sont pas souciés d’eux. Le roi Zog d’Albanie, qui a régné entre les deux guerres mondiales, a écrasé dans ce but les bases insurrectionnelles qui existaient alors en Albanie, afin d’établir son pouvoir. Quelques milliers de Kosovars qui avaient quitté les régions de Ferizaj / Urosevac et de Gnjilane pour se réfugier en Albanie dans les années 20, ont été confrontés pendant au moins une génération, aux problèmes de leur réintégration dans la société. Les méthodes sévères utilisées en Albanie par l’homme fort du Kosovo, Xhaferr Deva, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur dans le gouvernement de Quisling pendant la seconde guerre mondiale, ont fait naître des ressentiments parmi les Albanais d’Albanie. En Albanie même, les Albanais ont vécu une expérience différente avec les Allemands plus méfiants à leur égard que ne l’étaient généralement les Kosovars qui s’étaient joints à eux dans le but de se débarrasser des Serbes. Pendant le régime communiste, quelques Kosovars, entrés en Albanie comme dans un territoire “libre” de type nationaliste, ont été emprisonnés, internés, suspectés d’espionnage et n’ont pas eu la vie facile. Les intellectuels kosovars albanais des années 80 regardaient la télévision albanaise de la même manière que de nombreux Albanais regardaient la télévision yougoslave, c’est-à-dire à travers le brouillage effectué par les gouvernements de leurs stations nationales respectives. Les Albanais kosovars qui vivaient dans l’état titiste plus libéral, durant le “gastarbeiter boom”, (période pendant laquelle les travailleurs invités par le gouvernement allemand à travailler en RFA entre les années 60 et 74 envoyaient de l’argent à leur famille restée au pays, NDT), étaient à la recherche de choses venant d’Albanie, alors que les Albanais de Tirana cherchaient à voir ce qui se passait ailleurs, lorsqu’ils regardaient “Docteur Zivago” ou “La fièvre du samedi soir” à la télévision yougoslave. L’Albanie était saturée de tout ce qui était typiquement albanais, alors que le Kosovo en rêvait. Les différences économiques entre les deux sont frappantes. Bien qu’ils soient issus de la province yougoslave la plus pauvre avec, selon un écrivain, “des niveaux de vie équivalents à ceux du tiers monde”, le niveau de vie des Albanais du Kosovo était considérablement plus élevé que celui de leurs homologues albanais vivant dans le pays européen le plus isolé, dirigé par le stalinien, Enver Hoxha. Pendant presque toute son existence, l’Albanie a eu la désagréable réputation d’être le pays le plus pauvre d’Europe alors que les Kosovars recueillaient les fruits de l’ancienne Yougoslavie, celui des pays communistes qui se portait le mieux. De nombreux Albanais d’Albanie sont surpris de voir les grandes maisons bien équipées des Albanais du Kosovo, comme les Albanais du Kosovo sont impressionnés par les petits logements dans lesquels les Albanais de Tirana s'entassent. Les problèmes linguistiques ont aussi créé des chocs culturels. L’obligation d’utiliser le dialecte méridional, variante “Tosk” de l’Albanais, comme langue standard, a créé des problèmes aux Kosovars qui parlent le dialecte “Geg”. Pour les Kosovars, il est difficile de parler un tel dialecte. C’est aussi difficile que pour un Albanais du nord: “Pour nous, apprendre l’Albanais standard a été comme apprendre une langue étrangère”, a déclaré Dukagjin Gorani, journaliste et analyste politique. Le dialecte Geg plus nasal, est plus difficile à parler que le dialecte “Tosk”, plus vocalique. Le rapprochement serait donc de plus en plus difficile d’un point de vue psychologique. Tous les camps sont conscients que ce n’est pas l’Albanie, “la mère patrie”, mais l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) qui a mis fin au règne serbe sur la province. “Il est vrai que les Albanais d’ici ou de là-bas ont la même origine” a déclaré Likak Cela, un acteur devenu le porte-parole du commandant en chef Rémi de l’Armée de Libération du Kosovo (UCK) pendant la guerre, avant d’essayer de créer pour le gouvernement de Thaci, une vie artistique dans la province. “Nous avons ici un adage qui illustre la situation: “Les Albanais kosovars et les Albanais albanais sont en fait les deux branches d’un même arbre scié en deux”. 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